Monde végétal : le poids des mots...
L'institut Médiascopie a passé au crible deux cent un termes relatifs au végétal. Il donne ainsi quelques pistes de réflexion à la filière pour mieux se valoriser auprès des citoyens…
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Denis Muzet, sociologue fondateur de l'institut Médiascopie, est spécialiste des mots. Il décrypte régulièrement, pour différentes professions, le sens que les citoyens mettent derrière les termes qu'ils utilisent et entendent à propos de sujets d'actualité. À la demande de Val'Hor, il s'est livré à ce jeu pour le vocable relatif au végétal et a présenté ses résultats à l'occasion de la dernière assemblée générale de l'interprofession, le 2 octobre.
Pour lui, l'objectif n'est rien moins que de « parvenir à transformer l'engouement des habitants – urbains comme ruraux – en un véritable “réflexe de végétalisation” ». Ce dont la profession rêve depuis des années ! Très concrètement, le but est de mieux communiquer auprès du grand public, de mieux faire connaître nos métiers et activités, et de faire évoluer les perceptions de la population. Et Denis Muzet de préciser que « “végétal” est un mot de la profession, le grand public n'utilise pas le même terme ».
Pour mener à bien ce travail, l'institut a demandé à un échantillon de mille personnes de juger deux cent un « items » (mots ou locutions) au travers d'une question d'implication : « Quand vous pensez aux végétaux qui sont dans votre environnement, plus le mot vous concerne personnellement plus vous lui donnez une note proche de 10, et plus il concerne la société dans son ensemble plus vous lui décernez une note proche de 0 ».
Du vert et du local
Par ailleurs, l'avis des personnes interrogées sur l'impact à long terme a été recueilli : « Plus le mot vous paraît important à prendre en compte pour le bien-être individuel et collectif dans l'avenir, plus vous lui donnez une note proche de 10, et moins il vous paraît important pour l'avenir plus vous lui accordez une note proche de 0 ».
Les résultats obtenus ont été projetés sur un diagramme en deux dimensions pour dresser un « mapping » sur lequel apparaissent des nuages de mots décryptés par Denis Muzet devant les participants de l'assemblée générale de Val'Hor.
Le premier enseignement à tirer de cette étude est le rejet des formes artificielles de végétal. Fleurs artificielles et gazon synthétique sont placés à distance de l'individu et du bien-être de demain.
Le second enseignement concerne la place du végétal dans la cité : « Si on ne peut limiter la ville durable à la question du végétal, il en est une des composantes majeures », explique Denis Muzet. Les items visant à intégrer la nature en milieu urbain obtiennent des notes élevées concernant le bien-être de demain : « parc », « espaces verts », « végétaux dans les lieux publics ». C'est aux pouvoirs publics et économiques de faire preuve de volontarisme en la matière (mais pourtant la désaffection des pouvoirs publics transparaît dans l'étude, à l'image de ce qui se passe dans la société en général). Les mots « coulée verte », « toitures, terrasses et murs végétalisés », « écoquartiers » restent par contre enfermés « dans un imaginaire un peu théorique. La ville durable est un concept dont on parle beaucoup mais qui reste difficile à associer à une réalité tangible », précise Denis Muzet.
La notion de « local » apparaît clairement, et le terme « producteurs locaux » est très bien noté, ce qui mettra du baume au coeur des petites entreprises. Mais « le mot ‘horticulteur' perd du sens pour les jeunes. Il va falloir lui en redonner ». L'étude s'intéresse ensuite à la sphère individuelle du citoyen, la manière dont il assouvit son besoin de végétal, en achetant, en cultivant et en profitant.
À l'écoute des clients
Pour les achats, les jardineries, « véritables supermarchés des plantes », sont plébiscitées pour leur choix, leur praticité, même si elles sont perçues comme ayant des objectifs de vente laissant peu de place au conseil. Le marché aux fleurs tire aussi son épingle du jeu, comme le fleuriste, le pépiniériste, bien que ses tarifs soient jugés plus élevés. La grande distribution n'est pas associée à un achat de végétal qualitatif. Internet suscite encore des réticences, et de nombreux consommateurs témoignent de véritables déceptions quant à la qualité à la réception des plantes.
Le client recherche de la part du personnel des points de vente de la disponibilité, mais aussi une prise de parole simple, une personne qui ne se pose pas en expert mais prenne en compte les besoins individuels. En clair, il faut éviter de donner des leçons au client ! À noter également que le prix des végétaux n'est pas jugé « particulièrement excessif », selon Denis Muzet. En ce qui concerne le fait de cultiver son jardin, on retrouve des corvées, perçues négativement, comme tailler la haie ou tondre la pelouse. Arroser procure par contre un sentiment de plénitude.
Et, pour ce qui est de profiter de son jardin, les mots « tranquillité », « plaisir », « bienêtre » font sans surprise l'unanimité.
En conclusion, Denis Muzet note que « si un grand consensus existe sur les ‘valeurs vertes', l'individu retire avant tout du végétal un bénéfice personnel : c'est le paradoxe de cette enquête. La relation au végétal est finalement très individuelle et non dénuée d'égoïsme » même si les bénéfices pour la collectivité sont avérés par le « contrepoint qu'il offre aux excès de la vie moderne ». Et le sociologue de préciser que « la relation de l'humain avec les végétaux est duale : responsabilité et paternalisme d'un côté, sentiment de dépendance de l'autre ». Il conseille, dans la relation commerciale entre professionnels et acheteurs, de se fonder sur une « prise de parole plus amicale que professionnelle, car l'individu entend d'abord rester maître de son choix »…
Pascal Fayolle
LocalLes producteurs locaux sont bien reconnus par l'enquête, mais le mot « horticulteur » n'est plus indentifié par les jeunes.
PratiqueLes jardineries sont perçues comme des supermarchés des plantes et sont plébiscitées pour leur choix et leur praticité.
AmbiguDans la ville de demain, les citoyens veulent disposer de végétaux. Mais la notion d'écoquartier reste encore floue.
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